Note d’intention
Introduction
La consigne était de sauver le monde, d’apporter des solutions durables à l’amélioration globale du quotidien et la réponse que nous y apportons consiste en la mise en place de jardins éducatifs. Pourquoi cela ? Bien que cette solution paraisse à première vue plutôt limitée en termes de portée, cette proposition résulte pourtant de la prise en compte d’une véritable problématique. Cette idée d’instaurer des jardins collectifs et éducatifs dans les écoles est le résultat d’une question aux multiples facettes que l’on s’est posée depuis le début du projet, qui touche à la fois à l’environnement, au développement durable, à la santé ainsi qu’à la répartition des ressources naturelles. Comment s’alimenter de façon écologiquement responsable et éthique, c’est à dire en favorisant les filières courtes ayant un moindre impact écologique tout en reconsidérant la façon de s’alimenter.
Au cours de notre première entrevue, il est apparu que l’alimentation était une problématique importante pour nous. En essayant de se trouver des points communs, nous avons découvert que deux d’entre nous étions végétariens. En discutant les avantages et inconvénients d’un régime végétarien ou végétalien, nous nous sommes bien rendu compte de l’absence d’un consensus sur la question. Que ce soit sur son impact écologique, ses bienfaits pour la santé ou ses motivations éthiques, les points de vue sont multiples et les faits scientifiques difficiles à démêler. Arrêter totalement la consommation de viande et autres produits d’origine animale, est-ce réellement la meilleure solution pour sauver la planète ? Ne vaudrait-il pas mieux manger un steak bio et local plutôt qu’un avocat en provenance du Pérou ? De cette discussion est apparue une volonté mutuelle de chercher une façon de s’alimenter qui serait écologiquement et éthiquement responsable, en s’inspirant de la permaculture.
La favorisation des filières courtes est apparue comme une solution consensuelle à adopter. En effet, la consommation locale permet à petite échelle de favoriser les producteurs locaux qui cherchent à produire dans le respect de valeurs écologiques, de mieux consommer en prenant soin de sa santé et à grande échelle de réduire l’impact écologique des grandes entreprises de productions alimentaires (serres, abattoirs…) en réduisant la demande des produits qu’elles fournissent. Cependant, un constat est rapidement apparu important : pour vouloir privilégier les filières courtes, il est nécessaire de les connaître et de prendre en compte les dangers des élevages et plantations intensives sur l’écologie et le bien-être de l’humanité dans notre choix d’alimentation.
Les jardins éducatifs dans les écoles sont donc une réponse à notre problématique puisqu’ils seraient une façon de sensibiliser les enfants aux cycles de culture, aux ressources nécessaires à la production ainsi qu’aux conséquences écologiques des différents modes de productions.
Afin de délimiter le cadre de ce projet, nous avons décidé de nous concentrer sur la région francilienne. Notre objectif pour ce panel est de réfléchir aux habitudes alimentaires de cette communauté, ainsi qu’aux opportunités qui leurs sont disponibles pour changer leurs habitudes et favoriser les producteurs locaux.
Notre problématique et pourquoi elle nous tient à cœur
Le discours international autour de la crise écologique se fait de plus en plus urgent et les chiffres alarmants se multiplient. Ainsi, le temps qu’il nous reste pour inverser la courbe se fait bref et continuer sur le modèle du “business as usual” serait dangereux. Pour ne citer que quelques chiffres, 3,2 milliards de personnes sur Terre se trouvent déjà impactés par la dégradation des terres, tandis qu’en France plus de trois quarts des enfants respirent un air trop pollué (Fondation Bio Diversité ; Réseau Action Climat France). Cela montre bien que les conséquences de la crise ont bel et bien lieu aujourd’hui et il est évident que la nouvelle génération est particulièrement sensible aux enjeux écologiques. D’autant plus qu’elle est celle qui risque de payer le prix fort, à la suite de l’inaction successive et répétée des générations précédentes. Le mouvement Extinction Rébellion est témoin de cette mobilisation jeune et globale. Dans cette dynamique, nous souhaiterions jouer un rôle dans cette prise de conscience collective et donner aux enfants des écoles franciliennes des outils pour jouer un rôle dans leur futur en en comprenant les enjeux et limites.
Nous sommes convaincus que l’incorporation d’un programme de jardinage dans la journée scolaire d’un enfant permettrait d’inculquer des valeurs positives et saines dans leur rapport à l’alimentation, de façon à influencer positivement sur leurs habitudes et celles de leurs parents. Dans un contexte urbain comme celui d’une grande ville, les occasions se font rares pour petits et grands de reconnecter avec la nature et cela a un impact important sur leur rapport à l’alimentation et leur santé. Sans savoir comment ce qu’ils mangent finit dans leur assiette, il est improbable que des enfants des villes comprennent les enjeux autour de l’alimentation, de l’agriculture, de l’écologie et apprennent comment faire les bons choix pour mieux se nourrir : favoriser les filières courtes, privilégier les produits de saison, consommer moins de viande, supporter les agriculteurs locaux etc. Un jardin éducatif est une façon de leur inculquer ces connaissances-clefs en sautant de la théorie directement à la pratique et en les sortant de la routine de la salle de classe. Cette approche ludique, intergénérationnelle et pédagogique permettrait donc de faire comprendre à la nouvelle génération, dès son plus jeune âge, les enjeux d’aujourd’hui.
But : changer les habitudes globales pour assurer une transition écologique profitable à tous
Nous avons donc réfléchi à comment toucher le plus de monde possible. Les enfants nous sont apparus comme une évidence. Pour avoir un impact durable, il nous semblait essentiel que notre projet ait une véritable visée éducative. Cette solution nous permet également de toucher les parents, par le biais de leurs enfants et de les faire réfléchir à ces questions. In fine, par le biais du bouche à oreille, de toucher les cercles dans lesquels les parents évoluent et peu à peu faire parler de notre initiative afin de créer un mouvement plus large. Notre approche est donc transgénérationnelle puisqu’elle vise à éduquer et sensibiliser toutes les tranches d’âges à la filière courte.
Le projet
Notre problématique porte donc sur l’éducation et la sensibilisation de la population aux filières courtes. Les jardins pédagogiques pourraient être un fil conducteur de formation de la population qui leur feraient prendre conscience de l’importance des enjeux écologiques, économiques et sanitaires que représente l’alimentation.
Pour ce faire, les activités liées aux jardins devraient suivre un cahier des charges et agenda bien définis.
Ce projet devrait être organisé par cycles pour respecter les rythmes du jardin, les saisons et les modifications météorologiques dans une logique de permaculture. De plus, la division des activités par période permettrait d’intégrer pleinement les jardins éducatifs dans le programme scolaire en y consacrant un cycle de Sciences de la Vie et de la Terre (SVT) qui porterait sur la biodiversité (faune et flore), l’écologie, les énergies, un cycle de géographie sur les inégales répartitions de ressources et de richesses en mettant l’accent sur les conséquences de l’agriculture (notamment intensive) au niveau mondial, ainsi qu’un cycle pratique qui correspondrait aux activités de plein air recommandées par la réforme scolaire 2019. Ainsi, l’hiver pourrait être consacré aux dynamiques d’évolution d’une plante, en passant de la germination à la photosynthèse tandis que le printemps et l’été pourraient davantage porter sur l’étude du milieu, de la biodiversité et de la culture. Afin de ne pas surmener les élèves et leur enseignant, une plage horaire de 2 heures toutes les 2 semaines sur la période de printemps seraient à aménager.
Les parents recevraient un calendrier détaillé dès la rentrée afin qu’ils soient en mesure d’entamer un dialogue, un échange avec leur enfant sur les évolutions, les avancées du projet. De fait, c’est non seulement les enfants mais aussi les parents qui seraient la cible de ce projet.
Ce projet a véritablement pour but de sensibiliser la population en passant par un échange. C’est à cette fin que nous misons sur des intervenants volontaires tels des étudiants de lycée ou de CFA, suivant une formation agricole ou de biologie. L’objectif serait de faire partager leur connaissance tout en les investissant d’un devoir civique. De plus, certains professionnels du secteur comme des agriculteurs ou apiculteurs des environs pourraient être investis. En échange de leur participation, l’école pourrait leurs assurer un nouveau réseau de clients locaux. D’un point de vue citoyen, il paraît primordial de permettre aux agriculteurs, éleveurs et maraîchers de venir s’exprimer sur leur quotidien, sur les enjeux de leur métier, notamment à l’heure de l’agribashing. La finalité de ce projet, bien au-delà de mettre une pelle et un arrosoir dans les mains des enfants, et de permettre une prise de conscience collective. Depuis des décennies, la demande alimentaire a poussé les éleveurs et maraîchers vers une production de plus en plus intensive. Aujourd’hui, nous en connaissons les conséquences sur l’environnement, sur les populations et les ressources. En favorisant un échange, un contact entre les acteurs de la demande et les acteurs de l’offre alimentaire, ce projet pourrait favoriser, soutenir une transition écologique de plus petite échelle, en soutenant les producteurs locaux qui choisissent de produire des produits plus qualitatifs, bio ou au moins réduire les OGM utilisés. Le choix d’une filière courte, en réduisant les coûts des intermédiaires, valoriserait les producteurs qui pourrait améliorer la qualité de leur produit.
L’année scolaire et la fin du projet pourraient être marquées par la réalisation d’un déjeuner avec les familles et les intervenants autour des quelques récoltes du jardin et des produits des agriculteurs locaux.
En clair, ce projet permettrait de créer du lien entre des acteurs qui n’ont pas pour habitude de se côtoyer, de sensibiliser une part élargie de la population aux filières courtes (élèves, parents, enseignants), de former la nouvelle génération aux enjeux de la biodiversité et de façon plus globale, d’avoir une meilleure appréhension des conséquences de nos habitudes alimentaires.
Les premiers pas
Notre projet repose sur la motivation des acteurs impliqués dans notre projet. Que ce soit les collectivités locales, dont le soutien est essentiel pour la viabilité du projet et la mise à disposition des jardins publics, ou bien les agriculteurs locaux, qui viendront vendre leur production dans les écoles et engagerons le dialogue avec les parents et éveilleront les enfants à la nature, ce sont eux qui seront au contact du public visé et qui seront les porte-voix des valeurs que nous défendons. Sans oublier bien sûr l’appui des instituteurs d’école, experts dans la transmission des connaissances.
Ainsi la première étape pour réaliser notre projet, consistera à démarcher et prendre contact avec ces différents acteurs pour les convaincre de l’importance de leur implication. Il s’agira ensuite de les accompagner dans la préparation des différentes interventions et la planification de la vie du jardin et des activités pédagogiques associées tout au long de l’année.
Une fois cette première étape accomplie, nous pensons nécessaire de lancer, dans un premier temps, le projet sur une petite échelle, avec un projet pilote dans l’idéal sur trois écoles à la fois. Tout au long de cette première année de test, nous effectuerons un suivi régulier, pour s’assurer de son bon déroulement et pour adapter la mise en œuvre en fonction des contraintes rencontrées. Le dialogue entre les trois établissements pilotes sera alors clef pour trouver des solutions innovantes aux problèmes rencontrés mais aussi pour les anticiper et construire un socle de connaissances commun solide dans la gestion des jardins éducatifs.
Une fois cette première année écoulée, nous redéfinirons le fonctionnement et l’articulation entre les acteurs avec les améliorations mises à jour par nos jardins pilotes, pour pouvoir étendre notre action à un plus grand nombre d’écoles, en étendant peu à peu notre réseau.
Étant nous-mêmes étudiants et résidants dans une grande ville, nous sommes conscients du fait qu’une simple idée peut néanmoins présenter des complications et que nous n’avons pas entièrement connaissance des éléments qui entrent en jeu en termes d’agriculture, de régulation et d’éducation. En pensant aux obstacles que nous pourrions rencontrer, nous avons réalisé que deux points étaient déterminants du succès ou de l’échec de notre idée. Il s’agit premièrement de l’étape initiale, celle d’implémenter un jardin collectif dans le cadre scolaire. L’infrastructure des écoles urbaines ne se prêtent pas nécessairement à l’installation de véritables plants de jardinages, et elle pourrait ainsi s’avérer coûteuse, voire impossible à réaliser. Heureusement, plusieurs solutions possibles se présentent : nous pouvons nous tourner vers des structures favorables qui existent déjà, par exemple les parcs municipaux en proximité des écoles, permettant aux élèves de tourner l’activité pédagogique en véritable sortie d’école. Certains présentent même l’avantage d’avoir déjà mis en place des initiatives de jardins collectifs, ce qui nous permettrait de proposer une possible collaboration. D’un autre côté cet obstacle nous permettrait d’explorer une sorte d’agriculture urbaine à plus petite échelle et nous pourrions exploiter les balcons des écoles, les salles de cours elles-mêmes pour faire pousser des fruits et légumes qui accompagneraient les élèves tout au long de l’année scolaire.
Après son instauration initiale, le deuxième enjeu concerne la longévité du projet. En effet, une école urbaine n’est objectivement pas l’endroit le plus propice pour cultiver fruits et légumes, et pour que le projet marche, nous avons besoin qu’il s’implante à long-terme, de façon à ce que les enfants puissent récolter le fruit de leurs efforts, et “léguer” leurs jardins aux promotions suivantes. C’est pour cela qu’il est crucial de s’entourer d’acteurs avertis et engagés dès les premiers pas, pour qui le projet présente une réelle importance. Concernant la longévité, il est évidement que la question du rythme scolaire et donc des vacances entre en jeu. Puisque ce projet pourrait être intégré à de nombreuses écoles, un agent de service pourrait être en charge de l’entretien, au moins durant l’été puisque les jardins pourraient être laissés au repos en hiver.
De la même façon, une communication claire et transparente avec les parents des élèves afin de leurs présenter les avantages d’une telle initiative et les inclure dans nos ambitions sera nécessaire pour contrer une narrative de “frivolité” et l’impression que jardiner entraverait l’éducation des enfants plutôt que d’offrir un important complément.
Une inclusion dans des dynamiques existantes
Des exemples de jardins éducatifs existent dans plusieurs contextes scolaires à travers le monde, et des travaux de recherche ont aussi gaugé leurs succès, bénéfices et impacts sur le bien-être des enfants. Au Québec, en particulier, on compte déjà plus de 80 jardins dits pédagogiques, ainsi que des initiatives telles que 100° chez Québec qui se proposent d’en créer de nouveaux ou améliorés les existants, en se basant sur l’appui de la communauté ainsi que des partenariats avec le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation.
A l’échelle locale, notre projet pourrait être intégré au programme « Oasis » lancé par la mairie de Paris afin de participer à la création de cours de récré adaptées au changement climatique. Ce programme adopté au conseil de Paris en septembre 2017 vise à renforcer la capacité du territoire à faire face aux grands défis climatiques et sociaux du XXIème siècle. Il s’intègre dans la stratégie de résilience de la ville de Paris. L’objectif des cours d’écoles et des collèges Oasis est de végétaliser, de rafraîchir l’espace, de réunir la population autour de jardins pédagogiques et d’espaces co-conçus par les enfants. Leur formule clef est : « co-design + climat + lien social = résilience ». Les cours Oasis sont implantées dans 30 établissements parisiens et d’après la mairie de Paris, d’ici 2040, 100% des cours parisiennes pourraient être transformées.
Notre projet de jardins éducatifs pourrait donc aisément être intégré à ce programme puisqu’il remplit les trois critères de la formule Oasis et que l’objectif in fine est la résilience pour agir en faveur d’une transition écologique et sociale durable.